Jerry Sandenberger introduit Barbeau auprès de son marchand torontois Carmen Lamanna et suggére à ce dernier de le représenter.[80] À la suite de cette intervention en sa faveur, Barbeau se rend à Toronto. Il amorce une nouvelle relation d’affaires avec la galerie d’avant-garde torontoise. Carmen Lamanna le représentera jusqu’en 1973. [81]
À titre d’ancien boursier, Barbeau est invité à participer au jury du concours annuel du Conseil des arts au printemps 1968. À cette occasion, il parcourt le Canada. Il rencontre ainsi plusieurs confrères et universitaires anglo-canadiens ainsi que les responsables de la plupart des institutions culturelles canadiennes.[82]
À la mi-avril, Barbeau se rend à Montréal pour son exposition annuelle à la Galerie du Siècle. Plusieurs collections publiques canadiennes acquièrent ses œuvres récentes notamment, le nouveau Musée d’art contemporain de Montréal, l’Art Gallery of Ontario et le Conseil des arts du Canada.[83] Il participe à de nombreuses expositions de groupe : Seven Canadian, présentée à l’Hayden Gallery du Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Massachusetts et à la Washington Gallery of Modern Art, à Washington, D. C.; Four Quebec artists, du French Festivalde Darmouth, présentée au Southern Massachussetts Technological Institute; Canada 101, Edinburgh International Festival; Canada Council Collection, une exposition itinérante pancanadienne, organisée par le Musée des beaux-arts du Canada.
À l’annonce de la fermeture imminente de la Galerie du Siècle, qui soutenait sa carrière depuis 1964, Barbeau doit trouver une nouvelle source de financement et un nouveau lieu de diffusion. À la recherche d’un poste de professeur, il propose sa candidature à des écoles d’art, des universités et des collèges canadiens, demandes qui sont toutes refusées.[84] À la suggestion de Francis Celentino, la direction du School of Art de l’université de Washington l’invite à présenter une demande d’emploi à titre devisiting artist et le convoque à Seattle pour une entrevue au printemps 1968. Il s’y rend en juin, mais la direction, plutôt conservatrice, préfère engager un peintre figuratif. Entre 1967 et 1978, il tentera en vain d’obtenir un poste de professeur ou d’artiste résident, approchant différentes institutions d’enseignement au Canada et aux États-Unis.
À la mi-août, Barbeau se rend au Québec pour participer à un Séminaire sur l’art et la technologie, organisé par la Société des artistes professionnels du Québec. La rencontre a lieu au domaine de l’Estérel à Sainte-Adèle.[85] À la recherche d’un marchand de tableaux, il signe un contrat d’exclusivité avec la Nouvelle Galerie de Denyse Delrue, qui lui assure un revenu minimum. Son ouverture est prévue pour septembre.[86] Dans le cadre d’une entrevue, il rencontre Ninon Gauthier, une étudiante en sociologie qui deviendra sa compagne. À son retour à New York à la mi-août, il quitte Mary Pier et abandonne son atelier du 41 Union Square.
Il retourne à Montréal au début septembre. Il y retrouve Ninon Gauthier et s’installe avec elle dans un grand atelier situé au 204, rue du Saint-Sacrement, où il occupait déjà un petit local pour l’entreposage de ses tableaux. En vue de son exposition à la Galerie Carmen Lamanna, prévue pour la mi-octobre, Barbeau complète une série de tableaux minimalistes modulaires adoptant la forme de la lettre L. Ces peintures s’inscrivent en continuité avec la suite des Shape canvasen noir et blanc du début de 1968. Tous ces L shapes ou Elles shapes sont peints uniformément en gris anthracite. L’épaisseur souligne la volumétrie de ces derniers shapes canvas, ce qui leur confère un aspect sculptural. Parallèlement aux L shapes, Barbeau réalise quelques tableaux carrés de petit format, dans lesquels il reprend en couleurs vives complémentaires, rouge et vert, violet et jaune, la figure de la lettre L.
La réalisation des L shapes incite Barbeau à renouer avec la sculpture. Il amorce alors une réflexion sur des projets de sculptures modulaires démontables. À la recherche d’un matériau qui allie souplesse d’utilisation, légèreté, économie et permanence, Barbeau fréquente le département de la plomberie des commerces de matériaux de construction. Il est fasciné par les tubes de chlorure de polyvinyle et se propose de les utiliser pour ses prochaines sculptures. Il prépare quelques croquis à cette fin.
Fin septembre, Barbeau participe à l’exposition d’ouverture de la Nouvelle Galerie Denyse Delrue. En octobre, Barbeau se rend à Toronto pour assister au vernissage de son exposition à la Galerie Carmen Lamanna. L’exposition Barbeau à la Carmen Lamanna Gallery obtient un succès d’estime, mais ne génère aucune vente.[87]Il rencontre des confrères ontariens dans les galeries et au bar The Palette, boîte de jazz où se rencontrent les peintres torontois. Au cours d’une visite de galerie, il fait la connaissance de Louise Nivelson au vernissage de l’exposition de cette dernière à la Galerie Dunkenman.
Le 7 novembre, le Dr Eckart, directeur de la Winnipeg Art Gallery lui propose la tenue d’une rétrospective de son œuvre pour le début de l’année 1969. [88] En compagnie de la conservatrice du musée, ce dernier visite en décembre le nouvel atelier de l’artiste à Montréal en vue de la préparation de cette exposition. Bernard Tesseydre, rencontré à l’occasion d’un séjour de ce dernier à Montréal, rédige la préface du catalogue.
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