Pour payer le loyer et acheter son matériel d’artiste, Barbeau continue à travailler à l’épicerie de son oncle le soir et les fins de semaines, tout en poursuivant de façon intensive sa recherche en peinture.
À l’École du Meuble, Barbeau participe à un mouvement de protestation des étudiants finissants contre les modifications apportées au syllabus du cours de Décoration et composition, désormais axé strictement sur la décoration intérieure, et contre le remplacement de Borduas par un professeur de tendance académique.(14) Il obtiendra son diplôme de dessinateur de meubles en mai, malgré des résultats nettement inférieurs à ceux des années précédentes, selon l’artiste.(15)
En février, l’envoi de Marcel Barbeau est accepté à l’exposition annuelle de la Société d’art contemporain qui se tient au Musée des beaux-arts de Montréal. Il y expose trois aquarelles. Du 28 mars au 28 avril, il participe au soixante et unième Salon du printemps du Musée des beaux-arts de Montréal où il présente la peinture, Ténébreuse, Étrange, Inattendue.(16)
Les jeunes disciples de Borduas pressent leur maître d’organiser une exposition de groupe.(17) Madame Gauvreau, la mère de Pierre et de Claude Gauvreau, leur permet d’obtenir gracieusement un local commercial désaffecté, situé au 1257 de la rue Amherst, que vient d’abandonner le comité de marraines de guerre auquel elle était associée. Barbeau participe à sa transformation en galerie d’art de fortune et à l’accrochage de la première exposition du groupe qu’on appellera bientôt «Automatistes ». Elle a lieu du 20 au 29 avril. À la porte, une affiche d’inspiration surréaliste annonce : «Ouvrez-les yeux » .(18) À l’exposition de la rue Amherst, Claude Gauvreau et Marcel Barbeau rencontrent Marcelle Ferron, une jeune peintre, qui dit travailler dans la même voie proche du surréalisme que les Automatistes. Elle les invite à visiter son atelier. (19) À la suite de cette visite, ils l’introduisent à Borduas. Toutefois, ce n’est qu’au début des années cinquante que Borduas l’invitera à participer aux expositions du groupe.
Affolé par ces jeunes qui «barbouillent» les murs de son hangar, Riopelle ira jusqu’à découper l’un d’eux sur lequel il a peint, Monsieur Talbot exige de reprendre possession du local. En mai, Barbeau doit quitter l’atelier de la ruelle. Il trouve un autre hangar semblable à celui de la rue Saint-Hubert derrière le 4553 de la rue Resther où il emménage seul cette fois. Il ne l’occupera que quelques mois.(20)Fuyant l’inconfort et craignant de devoir peindre à nouveau dans des conditions de froid extrême, il le quitte à la première occasion. Au cours de cet été 1946, il se rend à Saint-Hilaire où il visite Borduas, qui réside désormais dans sa nouvelle maison au bord du Richelieu.
Vers la fin de l’été, le poète Rémi-Paul Forgue lui propose de partager un atelier confortable rue Université. Ils conviennent que Barbeau l’occupera le jour et que le poète y écrira et y logera la nuit. Barbeau y réalise ses premières sculptures de broche recouvertes de papier mâché laqué. Il y poursuit sa série de plus de quarante peintures gestuelles, dont certaines, presque all over, sont de format assez grand, au dire de l’artiste. Le prix demandé pour Vol incrusté des quasi-feuilles sensibles, qu’il expose en novembre à la Galerie Dominion avec la Société d’art contemporain (21)et un portrait de l’artiste, par Maurice Perron , sur laquelle Barbeau pose à côté d’un de ces tableaux, le confirment. C’est là aussi qu’Il réalise Le tumulte à la mâchoire crispée, qui deviendra une des peintures “phares” de la période automatiste, ainsi que la plupart de ses autres peintures figurant dans la seconde exposition des Automatistes. C’est là, dit-il, qu’il peint les meilleurs tableaux de cette période.
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